La bioéconomie et la sécurité alimentaire et environnementale - Le CLUB des Bioéconomistes
1254
post-template-default,single,single-post,postid-1254,single-format-standard,bridge-core-2.2.4,ajax_fade,page_not_loaded,,qode-title-hidden,qode_grid_1300,transparent_content,qode-theme-ver-21.1,qode-theme-bridge,qode_header_in_grid,wpb-js-composer js-comp-ver-6.1,vc_responsive

La bioéconomie et la sécurité alimentaire et environnementale

Manger OU rouler ?

Le CLUB / 2015

 

En matière de sécurité alimentaire et environnementale, versus la bioéconomie, les biocarburants absorbent par exemple 40 % de la récolte de maïs aux États-Unis (pour la production de bioéthanol) et 60 % de la production d’huile de colza dans l’Union européenne (pour la fabrication de biodiesel et de chimie biosourcée). Cependant, ces chiffres frappants ne doivent pas masquer le fait qu’au niveau mondial, la progression importante des biocarburants de première génération n’a jamais empêché en fait la hausse simultanée des utilisations alimentaires de céréales et d’huiles végétales, car la production de ces dernières s’est toujours accrue.

Globalement, il faut savoir ainsi que la production des biocarburants mobilise à peine 1 % de la surface agricole utilisée dans le monde. Ce pourcentage tombe même à 0,7 % en « équivalent cultures non-alimentaires » si l’on intègre le fait important que les coproduits protéiques précieux de la fabrication de biocarburants (drèches de blé et de maïs, tourteaux d’oléagineux, pulpes de betteraves…) sont utilisés pour nourrir les animaux.

Les surfaces ainsi consacrées aux biocarburants sont en réalité du même ordre de grandeur aujourd’hui que celles qui sont dévolues au coton, (dont la culture n’est à l’évidence pas contestée par les « bons esprits » au motif qu’elle nuirait à la sécurité alimentaire…). Et il faut se souvenir qu’historiquement, avant l’avènement de la motorisation, une part importante (jusqu’à 20 %) des surfaces cultivées était réservée à la production de nourriture pour les animaux de trait – c’était les biocarburants de l’époque en quelque sorte – ce qui est toujours le cas d’ailleurs pour des millions de paysans dans le monde…

Si les biocarburants ont donc probablement un impact indirect logique et limité sur le niveau des prix agricoles, ils ne constituent en réalité qu’un des multiples facteurs, modéré et interstitiel, de la hausse possible et souvent aléatoire des prix alimentaires.

L’impact du développement de la production de biocarburants sur la sécurité alimentaire doit être ainsi pour le moins relativisé. Comme le déclarait le directeur général de la FAO, José Graziano da Silva, en janvier 2015 : « Il faut passer du débat nourriture contre carburant au débat nourriture ET carburant… ».

Concernant l’environnement par ailleurs, les transports contribuent pour environ 15 % aux émissions mondiales de gaz à effet de serre (25 % dans l’Union européenne), et cette part augmente. Les biocarburants de première génération affichent de très bonnes performances énergétiques, sans comparaison possible avec celles des carburants fossiles, qui sont désespérément négatives. Et les bilans-carbone des biocarburants sont tout aussi performants que leurs bilans énergétiques, car leur utilisation réduit de manière substantielle les rejets nets de gaz à effet de serre (source : ADEME) :

– réduction de 50 à 66 % des GES (par rapport à l’essence) pour l’éthanol de betterave à sucre ou de blé, de la graine à la roue…

– réduction de 60 à 70 % des GES (par rapport au gazole) pour le biodiesel de colza de la graine à la roue…

Mais ces chiffres ne sont naturellement pas en mesure de tenir compte sérieusement et rationnellement d’un quelconque effet supposé des cultures à biocarburants sur les changements d’affectation des sols (Nb. Ces mêmes changements supposés dans l’usage des sols, si l’on pouvait les mesurer, découleraient alors, dans de bien plus grandes proportions, de l’urbanisation des espaces ou des cultures « bio » à rendement réduit par exemple).

Ce débat, largement dogmatique, qui est à l’ordre du jour chez les « bons esprits », porte ici essentiellement sur les changements « indirects » d’affectation des sols (appelés CASI, ou ILUC en anglais). Le CASI supposé du aux biocarburants fut dénoncé par certains « penseurs » sur des bases théoriques dès 2008, pour contester clairement le développement du bioéthanol et du biodiesel. Mais les arguments de ces opposants se sont révélés très vite bien trop sommaires scientifiquement, trop dogmatiques et non modélisables avec rigueur pour pouvoir résister à des examens sérieux, même si certaines de nos institutions publiques, mal préparées à de telles offensives pernicieuses, ont pu se laisser « prendre au jeu » de la « chasse aux agro-carburants » ainsi amorcée. L’estimation de l’effet CASI est en réalité très aléatoire, sinon impossible à établir si tant est qu’il existe, et les évaluations alarmantes du CASI des biocarburants qui lancèrent cette polémique ont vite du être fortement revues à la baisse pour tenir compte par exemple de l’augmentation des rendements des cultures.

Les biocarburants de première génération, issus des plantes agricoles alimentaires, se sont ainsi récemment vus réhabiliter, avec l’assignation d’objectifs de production croissants en Europe (malgré des limites et les polémiques), à l’image par exemple des objectifs que la loi française de transition énergétique a récemment fixés dans la ligne de COP 21 (15 % de carburants renouvelables en 2030).